28 novembre 2006

Bootlegs


Je suis tout content : normalement, si tout va bien, en rentrant ce soir j'aurai les White Sessions des Beatles qui m'attendront sur mon disque dur. 4CD truffés d'extraits des séances d'enregistrement du fameux double blanc ! Miam ! Et attention, hein, pas des machins remixés comme sur l'Anthology (enfin, j'espère...). Du brut de décoffrage. De quoi se glisser avec volupté dans ce morceau d'histoire. J'adore. Pas de morceau des CBE ce soir, donc. Je me scotche devant ma platine CD, et j'écoute.

Aah, les pirates. J'en ai rêvé petit, j'en ai acheté plus grand - et à quel prix ! Maintenant, j'en télécharge. Remarquez qu'à l'époque, on accusait les pirates de tous les maux de la terre. Avec tout le cirque des mp3, on les a un peu oubliés, et c'est très bien. Vous imaginez le péquin moyen écouter les Cream en 1967 au Whiskey A-Go-go, enregistrés sur un magnétophone d'époque ? Le péquin moyen, déjà, ne sait plus trop qui étaient les Cream, et même s'il le sait, il râlera suffisamment en écoutant Wheels Of Fire parce que c'est pas en 5.1. Non, le tordu (comme moi), il a déjà tout acheté, la discographie officielle qui contribue au PIB, il a déjà donné - pardon - payé. Alors bon... Comme dirait l'autre, au moins, pendant ce temps, il télécharge pas le dernier Red Hot Chili Peppers (je rassure la maréechaussée : aucun risque là-dessus). Mais comment pourrais-je vous expliquer le bonheur intense que d'entendre la bande à Clapton envoyer la purée en direct live, là, sans fioritures, sans remixage en studio et autres sorcelleries à grand coups de Protools ? Ben, je vais essayer...

Les tordus, comme moi, sont pires que les hooligans du PSG. Il faut les accrocher avec les albums officiels, et attention, on renacle. Radiohead ? Pff... qu'ont-ils inventé que King Crimson n'ait pas déjà exploré ? Genre. Bougons, quoi. Mais quand l'industrie du disque arrive à les ferrer, ils restent dubitatifs. En veulent plus. Veulent savoir la vérité. Ce qui se cache en coulisse, ou en concert, mais sans le carnaval pyrotechnique censé cacher la misère. Et là, les pirates, c'est le rêve. Parfois, c'est le paradis, même. On tombe sur des trucs incroyables, dix ans avant que l'industrie du disque n'engage une étude de marché sur le produit. Tenez, le concert de Dylan en 1964, le jour d'Halloween. Il est sorti il y a à peine deux ans (rires étouffés)... Remarquez, j'ai acheté la version officielle, malgré tout. Question de principe. To live outside the law, you must be honest, qu'il disait le Zim. Et je vous fiche mon billet que Columbia finira bien par éditer l'intégrale des Basement Tapes, un jour. On fait d'excellents cobayes, pour l'industrie du disque : tiens, ce truc, ça fait dix ans que ça circule, on devrait peut-être le sortir... Et bingo, les gens accrochent. M'étonne, Elton.

Alors, au-delà du TOC (Trouble Obsessionnel Comportemental) - dont je m'accomode fort bien (non, je vous dirai pas combien j'en ai, des pirates de Dylan) - il faut bien avouer que la discographie officielle et les inédits qui sortent au compte-goutte, ça nourrit pas son homme. Et parfois, voire souvent, c'est du foutage de gueule. Je m'explique. Sortir ce genre de trésors de guerre n'a rien à voir avec un nouveau best of - pour lequel un petit inédit en fin de sillon suffit largement. S'agit d'aguicher le chaland, qui pour l'occasin n'est pas né de la dernière pluie, ni même de la première. Souvent, il veut savoir si c'est le concert du 21 ou du 22 ('tention, hein, le solo sur Crossroads n'a rien à voir), voire, si c'est celui du 21, s'il s'agit du 1er set ou du 2ème. Alors quand on balance une sorte de compilation (voir Hendrix avec le Band of Gypsys, par exemple) de trois concerts, on reste sur sa faim. Et encore, dans le cas de Hendrix, on a les infos sur la date pour chaque morceau, c'est déjà pas mal. Mais prenez le Neil Young tout frais sorti : des extraits de concerts au Fillmore de 1970 : ben oui ducon mais lesquels ? Aucune indication. Et le set acoustique ? Disparu. 43 minutes jetées en pâture du chaland qui raque 19 euros. Où est ma souris, que j'aille voir ailleurs !!! Et je ne vous parle pas du Love des Beatles. Non. Je me le suis promis, ça me fait trop de mal.

Tout ça pour dire que je n'encourage pas le piratage, j'explique. Et j'achète, malgré tout. Notez que le respect (mais oui) des artistes est tel que les vilains bootlegers vont jusqu'à vérifier minutieusement - et gommer le cas échéant - tout morceau qui aurait pu faire l'objet d'une sortie officielle. Vous ne trouverez pas, jamais, Rita May de Dylan sur un de ces sites. C'est sorti en 45 tours en 1976, et ça figurait sur une compile australienne, Masterpieces. Out, donc. Alors quand les Stones nous sortent un Rarities où l'on trouve des extraits de Love You Live, ou un Dance Pt II sorti quelques mois plus tôt sur une compile, Sucking in the Seventies, re-éditée en CD, je vous le demande officiellement : qui se fout de la gueule du monde, hein ?

Sur ce, je retourne écouter mes trois CD de démos de Good Vibrations. J'attends toujours le coffret officiel, pourtant annoncé dans le livret du coffret Pet Sounds en 1997.

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